Les relations humaines sont-elles authentiques ?
Blaise Pascal écrivait (Pensées) en 1669 :
"La vie humaine n'est qu'une illusion perpétuelle ; on ne fait que s'entre-tromper et s'entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence.
L'union entre les hommes n'est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peu d'amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu'il n'y est pas, quoiqu'il en parle alors sincèrement et sans passion.
L'homme n'est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l'égard des autres. Il ne veut pas qu'on lui dise la vérité, il évite de la dire aux autres ; et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son coeur."
La relation à autrui serait-elle essentiellement illusion ?
Ce que nous croyons être de l'amitié ... ne serait-ce, en réalité, qu'un jeu subtil de mensonges, voire de manipulations réciproques ?
Croire en la possibilité de relations amicales serait une belle illusion ?
Y aurait-il une duplicité chez la plupart des êtres humains qui les pousse à désirer la présence d'autrui tout en n'étant pas réellement capables d'accepter les différences ?
La vie sociale serait-elle remplie d'illusions qui permettent d'oublier la condition humaine et d'échapper à la vérité inéluctable : la solitude et la mort ?
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Autrui, ami ou ennemi ? L'assistance mutuelle
L'homme n'est pas fait pour vivre seul. Il a besoin des autres, non seulement dans l'entraide et la coopération, mais certainement aussi pour partager le sentiment d'exister.
Autrui est à la fois le même et l'autre, à la fois comme moi et autre que moi.
Qui est cet autre ?
Il est nécessaire à ma survie, mais est-il pour moi un ami solidaire, ou un ennemi dévastateur ?
Quelles sont ces contradictions qui émergent de ma rencontre et de ma confrontation avec autrui ?
Baruch Spinoza (1632-1677), que j'apprécie particulièrement pour l'ensemble de son oeuvre, a écrit ceci :
"Ce n'est pas seulement parce qu'elle protège contre les ennemis que la société est très utile et même nécessaire au plus haut point, c'est aussi parce qu'elle permet de réunir un grand nombre de commodités, car, si les hommes ne voulaient pas s'entraider, l'habileté technique et le temps leur feraient également défaut pour entretenir leur vie et la conserver autant qu'il est possible. Nul n'aurait, dis-je, le temps ni les forces s'il lui fallait labourer, semer, moissonner, moudre, cuire, tisser, coudre et effectuer bien d'autres travaux utiles à l'entretien de la vie ; sans parler des arts ni des sciences, qui sont aussi suprêmement nécessaires à la perfection de la nature humaine et à sa béatitude. Nous voyons en effet ceux qui vivent en barbares, sans civilisation, mener une vie misérable et presque animale, et cependant le peu qu'ils ont, tout misérable et grossier, ils ne se le procurent pas sans se prêter mutuellement une assistance quelle qu'elle soit."
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L'éducation à devenir des "standards"
J'ai eu l'occasion de vivre dans plusieurs pays et de visiter plusieurs continents. Cela m'a permis d'être en contact assez profond avec différentes cultures : chrétienne, bouddhiste, musulmane, juive, pseudo-athée, communiste et new-age.
L'éducation à la vie sociale, quelle que soit la culture sous-jacente, est profondément basée sur le mensonge. Elle ne nous enseigne pas à être nous-même, mais à être des "standards" conformes, sécurisants, acceptés par l'attente du groupe.
Tout cela nous amène donc très vite à nous mentir à nous-même, à nous conditionner, nous convaincre que nous sommes ce que nous n'avons pas demandé d'être.
Certains pensent ainsi aimer leur travail, leur mode de vie, leur conjoint, alors qu'au fond d'eux ils sont profondément décalés de leurs aspirations profondes.
Certaines personnes se mentent même tellement bien ... qu'elles sont convaincues de leur bonheur ! ... pendant un certain temps ...
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Mentir, une nécessité ?
La première personne à qui l'on ment, c'est soi-même. Le mensonge prend ses racines dans le fait de ne pas se respecter soi-même.
Dès lors, nous exprimons à autrui des propos ne traduisant pas notre essence véritable, dans le but de maintenir une apparente cohérence, qui n'est qu'une façade, une fausse image de nous même, rassurante, et que nous souhaitons afficher.
Une fois pris dans cet engrenage, nous nous créons une obligation de maintenir cette apparence et entrons dans le jeu du mensonge. Nous le faisons souvent par peur d'être qui nous sommes, par peur du rejet et surtout sous influence des nombreux conditionnements qui nous habitent.
Le mensonge nourrit le mensonge, et lorsque nous nous y engageons, nous ne pouvons qu'en rajouter, faisant monter les enchères pour maintenir cette fragile apparence, même si celle-ci sonne faux la plupart du temps.
Mentir est donc une manière de ne pas assumer qui nous sommes : il est difficile de remettre sa vie en question, de s'affirmer différent du groupe auquel on appartient.
Mais se mentir à soi-même amène immanquablement à l'aigreur, la frustration, le regret, le manque, et sans doute aussi à la maladie qui est l'une des dernières sonnettes d'alarme de notre être.
Soyons donc pleinement nous-même et le mensonge disparaîtra ... ? ... A moins que cette déduction ne soit encore un paradoxe et une illusion ?
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Le prochain et l'amour
Nous attirons toujours les autres par des affinités mutuelles et des complicités voilées, mais alors, que signifie "aimer" ?
"Aimer", c’est s’allier à l’Infini derrière le voile de l’autre, c’est percevoir l'infini au-delà des apparences.
L’autre est une sorte d'énigme qui ne peut se pénétrer que par l’amour.
En chacun des êtres humains couve cette merveilleuse flamme, soeur de la nôtre. Elle ne demande qu’à grandir au contact de la lumière des autres.
Dans une relation, la personne la plus proche n’est pas nécessairement celle qui est la plus frénétique, la plus loquace, la plus démonstrative : c’est souvent la plus calme, la plus sûre d’elle-même, la plus vraie, la plus éclairée. Celle qui rayonne dans le silence et le secret.
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Autrui et la solitude
"Nous sommes plaisants de nous reposer dans la société de nos semblables : misérables comme nous, impuissants comme nous, ils ne nous aideront pas : on mourra seul."
Blaise Pascal (Pensées, 1669)